L'Histoire des Alguiers Bretons - Un Art Ancestral Renaît à Paimpol
L'histoire des alguiers bretons, des frères Crouan au XIXe siècle à la renaissance de cet art ancestral à Paimpol. Patrimoine maritime unique.
Stéphanie, Herbiers Iodés
12/19/2025


Un savoir-faire pratiquement disparu
Après la mort des frères Crouan, la tradition des alguiers scientifiques s'est progressivement éteinte. Les nouvelles méthodes de conservation et d'étude des algues, notamment la photographie et plus tard la microscopie électronique, ont rendu obsolète la pratique du séchage sur papier à des fins scientifiques.
Au XXe siècle, quelques botanistes ont continué sporadiquement à réaliser des alguiers, mais cette pratique est devenue de plus en plus rare. L'art de disposer harmonieusement les algues, de préserver leurs couleurs naturelles, de révéler leur beauté formelle s'est perdu peu à peu. Les alguiers sont devenus des curiosités, des objets de collection issus d'une époque révolue.
Pendant plus d'un siècle, l'alguier est resté cantonné aux archives des institutions scientifiques. Cette forme d'art botanique, pourtant spectaculaire, n'a pas connu la même renaissance que d'autres pratiques artisanales traditionnelles. C'est ce constat qui m'a poussée, il y a quelques années, à m'intéresser à cet héritage oublié et à chercher comment lui redonner vie.
Renaissance d'un art à Paimpol
Lorsque j'ai découvert l'existence des alguiers des frères Crouan, j'ai été immédiatement fascinée par la beauté graphique de ces compositions. Les formes sculptées par l'océan, les ramifications complexes, les variations chromatiques du vert au bordeaux... Ces algues pressées possédaient une force esthétique qui n'avait rien perdu de son impact malgré le temps.
Forte de mon expérience dans la création d'herbiers floraux, j'ai décidé d'adapter cette technique ancestrale aux algues marines du Trégor-Goëlo. Mais là où les frères Crouan poursuivaient un objectif scientifique, mon approche est résolument artistique. Je ne cherche pas à répertorier les espèces, mais à révéler leur beauté intrinsèque, à transformer ces végétaux marins en véritables œuvres d'art contemporain.
À ma connaissance, je suis aujourd'hui l'unique créatrice d'alguiers artisanaux contemporains en Bretagne. Cette singularité n'est pas recherchée pour elle-même, mais elle témoigne de la rareté de ce savoir-faire. Faire renaître les alguiers, c'est renouer avec une tradition bretonne presque oubliée, c'est redonner ses lettres de noblesse à un art qui mérite d'être transmis et perpétué.
Les alguiers : quand la science rencontre l'art
L'alguier, ou herbier d'algues marines, représente une pratique artistique et scientifique qui remonte au XIXe siècle. Contrairement aux herbiers floraux, relativement courants, les alguiers constituent une tradition bien plus rare, presque disparue, qui a vu le jour en Bretagne à des fins d'étude de la biodiversité marine. Aujourd'hui, à Paimpol, je fais revivre cet art ancestral avec une approche contemporaine, transformant les algues du littoral breton en véritables œuvres d'art.


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Herbiers Iodés - Artisanat d'art à Paimpol, Bretagne


Les frères Crouan : pionniers des alguiers scientifiques
L'histoire des alguiers bretons commence véritablement à Brest au milieu du XIXe siècle, avec deux frères botanistes exceptionnels : Pierre-Louis et Hippolyte-Marie Crouan. Pharmaciens de formation, ces deux savants passionnés de botanique marine ont consacré leur vie à l'étude des algues des côtes bretonnes.
Entre 1835 et 1867, les frères Crouan ont réalisé un travail colossal de collecte, d'identification et de classification des algues marines du Finistère. Leur méthode était révolutionnaire pour l'époque : ils récoltaient les algues lors de leurs excursions sur le littoral, puis les préparaient méticuleusement en les disposant sur des feuilles de papier, créant ainsi de véritables herbiers marins.
Leur ouvrage majeur, "Florule du Finistère" publié en 1867, présente des centaines d'espèces d'algues soigneusement pressées et identifiées. Chaque planche est une œuvre d'art autant qu'un document scientifique. Les algues y sont disposées de manière à révéler leur structure, leurs ramifications, leur port naturel. Les couleurs, préservées par un procédé de séchage minutieux, témoignent encore aujourd'hui de la diversité chromatique des algues bretonnes.








Un art au service de la science
Ce qui distingue les alguiers des frères Crouan, c'est l'alliance parfaite entre rigueur scientifique et sens esthétique. Chaque spécimen était choisi pour sa représentativité de l'espèce, mais aussi pour sa beauté formelle. La disposition sur le papier n'était jamais aléatoire : elle visait à mettre en valeur les caractéristiques morphologiques de l'algue tout en créant une composition visuellement harmonieuse.
Cette double approche a fait des alguiers des frères Crouan des objets précieux, recherchés aussi bien par les botanistes que par les amateurs d'art. Leurs planches ont circulé dans toute l'Europe savante, contribuant à faire connaître la richesse exceptionnelle de la flore marine bretonne. Certains de ces alguiers historiques sont aujourd'hui conservés dans les herbiers des muséums d'histoire naturelle, témoins d'une époque où la science et l'art se confondaient naturellement.


Du littoral du Trégor-Goëlo à l'atelier
Ma pratique de l'alguier commence toujours par la récolte, au rythme des marées. Sur la presqu'île de Lézardrieux, à Plougrescant, Loguivy-de-la-Mer ou le long des rochers de Paimpol, je parcours les estrans à marée basse à la recherche des plus belles algues. Cette étape demande patience et observation : toutes les algues ne conviennent pas pour la création d'alguiers.
Je recherche des spécimens dont les formes sont particulièrement expressives : laitues de mer aux découpes délicates, dulse aux ramifications élégantes, fucus aux structures arborescentes spectaculaires. Chaque algue doit raconter une histoire, évoquer la force de l'océan qui l'a sculptée. La récolte se fait toujours dans le respect de l'écosystème marin, sans arracher les algues mais en les coupant délicatement, en ne prélevant que ce dont j'ai besoin.
De retour à l'atelier, commence alors un processus minutieux qui s'apparente à celui utilisé par les frères Crouan, mais adapté à une visée artistique. Les algues fraîches sont rincées à l'eau douce pour éliminer le sel et les particules de sable, puis immergées dans une bassine d'eau claire. C'est dans l'eau que je dispose chaque algue sur une feuille de papier, branche par branche, en cherchant la composition la plus harmonieuse.
Un processus artisanal exigeant
La création d'un alguier demande une patience et une délicatesse extrêmes. Contrairement aux pétales d'hortensias qui peuvent être manipulés relativement facilement, les algues sont des organismes fragiles qui se déchirent au moindre geste brusque. Il faut apprendre à les guider doucement, à utiliser des pinceaux fins pour déployer leurs ramifications, à anticiper comment elles vont se comporter en séchant.
Le séchage lui-même constitue l'étape la plus critique. Les algues doivent être pressées sous un poids constant, entre des papiers buvards qui sont changés régulièrement pour absorber l'humidité. Ce processus s'étend sur 4 à 12 semaines selon les espèces et leur épaisseur. Pendant tout ce temps, je surveille l'évolution du séchage, vérifie que les couleurs se préservent correctement, que les algues adhèrent bien au support.
Certaines algues, notamment les plus épaisses comme le fucus, demandent une attention particulière. Leurs parties les plus charnues mettent plus de temps à sécher et risquent de moisir si les papiers buvards ne sont pas changés suffisamment souvent. D'autres, comme la laitue de mer, sont si délicates qu'elles peuvent se fragmenter pendant le séchage si la pression n'est pas parfaitement équilibrée.




Photo : BU Aix-Marseille Université - Collection d'alguiers historiques
Photo : BU Aix-Marseille Université - Collection d'alguiers historiques
Du littoral du Trégor-Goëlo à l'atelier
Ma pratique de l'alguier commence toujours par la récolte, au rythme des marées. Sur la presqu'île de Lézardrieux, à Plougrescant, Loguivy-de-la-Mer ou le long des rochers de Paimpol, je parcours les estrans à marée basse à la recherche des plus belles algues. Cette étape demande patience et observation : toutes les algues ne conviennent pas pour la création d'alguiers.
Je recherche des spécimens dont les formes sont particulièrement expressives : laitues de mer aux découpes délicates, dulse aux ramifications élégantes, fucus aux structures arborescentes spectaculaires. Chaque algue doit raconter une histoire, évoquer la force de l'océan qui l'a sculptée. La récolte se fait toujours dans le respect de l'écosystème marin, sans arracher les algues mais en les coupant délicatement, en ne prélevant que ce dont j'ai besoin.
De retour à l'atelier, commence alors un processus minutieux qui s'apparente à celui utilisé par les frères Crouan, mais adapté à une visée artistique. Les algues fraîches sont rincées à l'eau douce pour éliminer le sel et les particules de sable, puis immergées dans une bassine d'eau claire. C'est dans l'eau que je dispose chaque algue sur une feuille de papier, branche par branche, en cherchant la composition la plus harmonieuse.
Un processus artisanal exigeant
La création d'un alguier demande une patience et une délicatesse extrêmes. Contrairement aux pétales d'hortensias qui peuvent être manipulés relativement facilement, les algues sont des organismes fragiles qui se déchirent pour certaines au moindre geste brusque. Il faut apprendre à les guider doucement, à utiliser des pinceaux fins pour déployer leurs ramifications, à anticiper comment elles vont se comporter en séchant.
Le séchage lui-même constitue l'étape la plus critique. Les algues doivent être pressées sous un poids constant, entre des papiers buvards qui sont changés régulièrement pour absorber l'humidité. Ce processus s'étend sur 4 à 12 semaines selon les espèces et leur épaisseur. Pendant tout ce temps, je surveille l'évolution du séchage, vérifie que les couleurs se préservent correctement, que les algues adhèrent bien au support.
Certaines algues, notamment les plus épaisses comme le fucus, demandent une attention particulière. Leurs parties les plus charnues mettent plus de temps à sécher et risquent de moisir si les papiers buvards ne sont pas changés suffisamment souvent. D'autres, comme la laitue de mer, sont si délicates qu'elles peuvent se fragmenter pendant le séchage si la pression n'est pas parfaitement équilibrée.


Photo : Alguier Jardin Pourpre 💜 - Format 20 x 25 cm - www.herbiersiodes.com


De la science à l'art : une approche contemporaine
Si je m'inscris dans la lignée des frères Crouan par la technique, mon approche diffère fondamentalement par l'intention. Là où ils cherchaient à documenter et classifier, je cherche à émouvoir et émerveiller. Mes alguiers ne portent pas de noms latins, pas d'annotations scientifiques. Ils sont avant tout des compositions esthétiques, des célébrations de la beauté formelle des algues marines.
Je joue sur les contrastes de couleurs : le vert lumineux d'une laitue de mer contre le bordeaux profond d'une dulse. J'explore les possibilités compositionnelles : algues disposées en éventail, en spirale, en cascade. Je cherche à créer du mouvement, à suggérer le balancement des algues sous l'eau, à évoquer la vie marine figée dans un instant d'éternité.
Certains de mes alguiers sont épurés, presque minimalistes, mettant en valeur la beauté d'une seule algue dont les ramifications dessinent comme un arbre miniature. D'autres sont plus complexes, associant plusieurs espèces pour créer des compositions plus riches, où les différentes textures et couleurs dialoguent entre elles.
Un patrimoine breton à faire découvrir
En créant des alguiers contemporains, je souhaite faire découvrir ou redécouvrir au plus grand nombre la richesse extraordinaire de la flore marine bretonne. Les algues sont souvent perçues comme des végétaux sans intérêt, vaguement désagréables, échoués en amas malodorants sur les plages. Pourtant, observées de près, préservées dans toute leur délicatesse, elles révèlent une beauté graphique exceptionnelle.
Chaque espèce possède sa personnalité visuelle propre. La laitue de mer évoque des feuilles de papier de soie, presque translucides, d'un vert qui semble lumineux de l'intérieur. La dulse déploie ses frondes élégantes dans des tons de bordeaux et de pourpre. Le fucus dessine des structures ramifiées qui rappellent les arbres dénudés en hiver. Les algues rouges développent des arborescences d'une complexité fascinante, véritables dentelles marines.




Un lien entre passé et présent
Mes alguiers contemporains constituent un pont entre le patrimoine scientifique des frères Crouan et une expression artistique actuelle. Ils honorent la mémoire de ces pionniers qui, il y a près de deux siècles, ont su voir et préserver la beauté des algues bretonnes. Mais ils s'inscrivent aussi résolument dans notre époque, répondant à un désir contemporain de reconnexion avec la nature, d'artisanat authentique, de pièces uniques porteuses de sens.
Chaque alguier que je crée est unique, car aucune algue ne ressemble exactement à une autre. La nature, sculptrice patiente, a façonné chaque spécimen de manière singulière. En les préservant, je leur offre une seconde vie, je leur permets de continuer à émerveiller bien au-delà de leur existence marine éphémère.
L'alguier aujourd'hui : entre art et décoration
Les alguiers contemporains trouvent leur place dans les intérieurs modernes de manière surprenante. Leur esthétique graphique, épurée, minimaliste parfois, s'harmonise particulièrement bien avec les espaces contemporains. Ils apportent une touche de nature sans l'exubérance parfois excessive des herbiers floraux traditionnels.
Dans une décoration côtière ou marine, les alguiers constituent évidemment un choix parfait, évoquant directement l'océan et le littoral. Mais ils fonctionnent tout aussi bien dans des intérieurs plus urbains, apportant une note de sérénité zen, un rappel de la nature dans des espaces parfois très éloignés de la mer. Leur palette chromatique naturelle, du vert au bordeaux en passant par les bruns et les beiges, s'intègre facilement à des environnements décoratifs variés.


© 2025 Herbiers Iodés
Cueilli sur les côtes bretonnes, créé avec passion 🌊
"La Bretagne dans un herbier"
Herbiers & Alguiers naturels cueillis, séchés et pressés avec passion en Bretagne. Chaque création est unique et faite à la main.
